Vues d’actu : Quel habitat pour quels habitants demain ?

Partie I : Le logement, une priorité pour les français

90% des maires et 78% des Français considèrent qu’il est difficile de trouver un logement en France aujourd’hui (tns-sofres, 2007). Pourtant au cours des cinquante dernières années le nombre de logements et le niveau de confort n’ont cessé de progresser (INSEE, 2006). Les tensions actuelles s’expliquent principalement par l’augmentation des besoins (l’INSEE estime à 25% le besoin de logements supplémentaire d’ici 2030) et le fort accroissement des prix de l’immobilier depuis 10 ans qui réduit l’éventail de choix des ménages.
Le logement, un « refuge » face à un avenir incertain
Le logement est de plus en plus perçu comme un « refuge » à l’heure où les mutations économiques et sociales brouillent les perspectives de progrès à moyen et long terme. Face aux incertitudes sur l’emploi et les retraites, l’accès à la propriété est pour nombre de ménages un moyen d’épargner sur le long terme, notamment en vue de la retraite.
Être propriétaire de sa maison, un rêve toujours d’actualité…
Dans ce contexte, être propriétaire de sa maison demeure un rêve partagé par une grande majorité de français (CREDOC 2004, ANAH 2006, tns-sofres 2007). 73% des ménages qui accèdent à la propriété (dont un tiers occupait précédemment un logement collectif) optent par l’habitat individuel (INSEE, 2005).


… mais de moins en moins accessible

La forte progression des prix au cours des dix dernières années (INSEE, 2007) rend ce rêve moins accessible pour nombre de ménages et en particulier pour les plus jeunes (Sénat, 2005). Ainsi, chaque année, sur 4 millions de ménages à la recherche d’un logement, seuls 800.000 (20%) accèdent à la propriété. Sans oublier les 3,3 millions de français mal-logés (Fondation Abbé Pierre, 2008) qui ne parviennent pas à se loger décemment y compris dans le parc social (CREDOC, 2007). L’échec des maisons à 100.000 euros illustre la difficulté pour les responsables nationaux et locaux à faire en sorte que les ménages modestes puissent aussi accéder à ce rêve1.

Partie II : L’évolution de la société et des modes de vie modifie la demande d’habitat

Une société en mutation
Le vieillissement de la population et l’érosion des modes de vie traditionnelles sont deux évolutions majeures de la société (INSEE, 2006) qui ont un impact important sur les besoins en logements tant en termes quantitatifs2 que qualitatifs. Les mutations survenues depuis les années 1970 dans le rapport au travail, dans les formes de la vie familiale, dans la mobilité urbaine, dans le développement des communications et les changements de rythme de vie modifient les pratiques d’habitat et les demandes des ménages (PUCA, 2006). Ces évolutions interrogent la capacité d’adaptation de l’habitat existant et futur (en terme de conception et de localisation) aux besoins variés et variables des ménages (personnes âgées, familles monoparentales, résidants occasionnels, jeunes décohabitants, etc.).
Les échanges familiaux entre générations jouent aussi un rôle de plus en plus important dans la vie des ménages et peuvent avoir un impact sur l’accès (des jeunes couples) ou le
maintien (des parents âgés) dans le logement, la localisation (rapprochement des domiciles des jeunes couples et de leurs parents) et l’organisation intérieure (besoin d’un logement plus grand pour recevoir périodiquement les autres membres de la famille). Le programme de recherche incitative du PUCA 2007-2012 « Le futur des villes à l’impératif du développement durable » propose justement de faire le point des enjeux que pose l’évolution des modes de vie dans les domaines de l’habitat et de l’urbain.
Une société de plus en plus mobile, consommatrice d’espace
La diffusion de l’automobile dans toutes les couches de la société a profondément modifié le rapport des individus à l’espace. Depuis un quart de siècle, la mobilité des voyageurs a été multipliée par 2, principalement grâce à la route. Les ménages peuvent ainsi résider de plus en plus loin de leur lieu de travail et accéder à des logements plus spacieux et moins chers, dans un environnement rural ou périurbain peu dense.
La mobilité accrue des ménages favorise aussi la diffusion des lieux de commerces et de loisirs qui contribue également à l’étalement urbain. Le processus « d’étalement urbain »3 est amplifié par le développement de voies de contournement visant à réduire la congestion sur le réseau local.
Selon les modèles économétriques utilisés actuellement, les projections à l’horizon 2025 de la mobilité locale à politiques constantes conduisent, sur les vingt prochaines années, à une progression similaire à celle constatée sur les dix dernières années, de l’ordre de 40% (Ministère de l’Environnement, 2006).
L’étalement urbain est aujourd’hui au centre des débats sur l’avenir des agglomérations vu sous l’angle du développement durable. La détermination des impacts et des coûts sociaux, économiques et environnementaux de ce processus demeure néanmoins complexe. En outre, les outils mis en œuvre jusqu’à présent pour le maîtriser, s’avèrent globalement peu efficaces (CERTU, 2004). Dans le domaine de l’habitat, l’étalement urbain favorise une différenciation sociale des territoires qui risque de s’accentuer sous l’effet du vieillissement et de l’élévation du coût des transports. Des études récentes mettent l’accent sur le phénomène d’exclusion qui touche les ménages périurbains modestes confrontés à des contraintes de mobilité (Lionel ROUGÉ, 2007).
Un habitat existant qui laisse peu de place à l’innovation et à l’adaptabilité
Les caractéristiques constructives et la longévité du parc de logements français limitent les possibilités d’adaptation du cadre de vie aux évolutions de la société et des modes de vie. Standardisé, le parc de logements récents, construit au cours des quatre dernières décennies, n’apparaît guère plus souple ou adaptable que l’ancien. Et les programmes de « logements évolutifs » qui ont vu le jour au cours de cette période n’ont jamais dépassé le stade expérimental.
En dépit de l’évolution des modes de vie, la distribution intérieure des logements reste très stéréotypée et standardisée, caractérisée notament par la répartition jour / nuit des pièces. Ce standard est en train d’évoluer au profit d’un plan offrant de plus grandes surfaces aux chambres et aux cuisines devenues des lieux de vie, au détriment des couloirs et du séjour. A ses fonctions traditionnelles (repos, alimentation, hygiène, rangement …), l’habitat de demain devra en ajouter d’autres comme la communication, la sécurité, la culture, le travail, l’expression personnelle…
Malgré l’augmentation de la taille moyenne des logements, le manque d’espace demeure le reproche le plus fréquemment exprimé4.

Partie III : La qualité de la vie et de l’environnement influencent les modes d’habiter

Depuis la décentralisation, la « qualité de la vie » est devenue un enjeu pour les collectivités locales qui souhaitent attirer investisseurs et nouveaux résidents sur leur territoire. Les médias tentent de la mesurer au travers de « palmarès » des villes (FNAU, 2005) et de nombreuses études d’opinion.
L’attractivité de la ville dense pénalisée par les nuisances et la difficulté à « vivre ensemble ».
Bien que la grande majorité des français (91%) trouvent leur quartier ou leur village agréable à vivre, les enquêtes récentes mettent en évidence un déficit d’attractivité des tissus urbains denses5 (tns-sofres, 2007). Le faible taux de satisfaction des habitants des quartiers ZUS, montre que le contexte socio-économique pèse fortement sur la satisfaction des habitants, comme le souligne l’INSEE : « l’opinion favorable sur le quartier augmente avec le revenu du ménage et avec le revenu moyen des habitants du quartier » (INSEE, 2007).
Quoiqu’il en soit, le terme de densité inspire spontanément des représentations négatives. Ainsi, la ville centre est davantage associée aux nuisances et à la pollution ou aux dégradations de toutes sortes que ne le sont les quartiers périphériques ou les zones rurales. Aussi, neuf français sur dix aspirent à résider dans un logement individuel de préférence à la périphérie des villes ou à la campagne (63%). « L’accès à un logement plus grand, doté d’un jardin et disposant d’une vue plus agréable » constitue les trois premiers motifs évoqués pour changer de logement. Un meilleur accès aux commerces et loisirs arrive en 4e position.
Si les Français sont globalement favorables au mélange d’habitants d’âges différents (et aussi d’origines ethniques différentes mais de préférence dans la société en général plutôt que dans leur quartier), ils considèrent que les différences de modes de vie et de valeurs sont les principaux obstacles au « vivre ensemble ». L’école (devant les associations) est la première institution à laquelle les Français font confiance pour favoriser la mixité en France dans les années à venir (tns-sofres, 2006).
La protection de l’environnement, une priorité pour les Français et les élus
Les conséquences du réchauffement climatique sont considérées aujourd’hui comme la menace environnementale la plus préoccupante pour 76% des Français (IFOP, 2007). Les citoyens eux-mêmes se considèrent comme les acteurs les plus efficaces afin de protéger l’environnement et lutter contre les changements climatiques. L’évolution des comportements des Français en matière de tri des déchets ou d’économies d’énergie en témoigne, même si peu de progrès sont constatés dans l’usage de la voiture (INSEE, 2007). Par ailleurs, deux Français sur trois accepteraient d’acheter un logement plus écologique et plus cher à l’achat si ce dernier permettait des économies d’entretien ou si le surcoût était compensé par une aide fiscale (tns-sofres, 2007).
De leur côté, les élus jugent que l’environnement, après le logement et l’activité économique et l’emploi, constitue l’un des trois enjeux prioritaires des villes pour les 10 prochaines années.

Partie IV : Des pistes pour un habitat renouvelé et durable

Les acteurs de la ville sont donc interrogés sur leur capacité à produire des formes d’habitat porteuses d’intimité, au sein d’espaces publics (naturels) de qualité tout en étant à proximité des principaux services urbains. La ville constituée (quartiers urbains denses et centres- bourgs) qui dispose des services collectifs est interpellée par ce défi de proposer des modes d’habiter plus conformes aux aspirations des ménages tout en contribuant à maîtriser l’étalement urbain qui banalise les paysages, nécessite de forts investissements publics (réseaux et équipements) et génère des déplacements automobiles.
L’habitat de demain devra ainsi concilier l’amélioration du bien-être de la population et la préservation des ressources et du milieu naturel. Il devra être à la fois accessible, économe, évolutif et situé dans un environnement apaisé, disposant de services et d’espaces « naturels ».


Les mutations de la cellule logement

Aujourd’hui, les Français passent de plus en plus de temps chez eux, l’espérance de vie augmente, le travail à domicile se développe, le temps de travail a globalement diminué… L’habitat doit prendre en compte ces changements. Des évolutions sont déjà en cours. Pour les approcher, il faut passer par la classique visite des pièces. Nombreux sont ceux qui soulignent l’importance des mutations à l’œuvre. Hervé Jobbé-Duval (Président de la Centrale de la Création Urbaine qui associe maîtres d’ouvrage publics et privés) insiste sur le fait qu’un logement doit aujourd’hui autant permettre de vivre individuellement que proposer de nouveaux espaces de relations. Ainsi la pièce à soi sera demain en relation avec une pièce « bien commun » (cuisine – jardin – terrasse). Les pièces seront-elles même appelées à gérer cette double dimension d’individualité/relation. La chambre des adolescents (sanctuaire et pièce de réception) est à ce titre symbolique de ce mouvement. Le programme Transit city émet des hypothèses sur la mutation de l’organisation du logement.
« L’habitat pluriel » ou comment concilier maison individuelle, économie d’espace et évolutivité. Dans le cadre des réflexions conduites par le Plan Urbanisme Construction et Architecture (PUCA), l’habitat intermédiaire6 apparaît comme une réponse aux aspirations des ménages pour un habitat individuel évolutif tout en contribuant à la maîtrise du développement urbain et à la réduction de la consommation énergétique. Dans les faits, ce type d’habitat peine à s’imposer dans l’hexagone, alors qu’il est déjà présent en Europe du Nord. En France, l’habitat intermédiaire souffre d’une image négative (formes extravagantes, coût élevé) qui l’éloigne du « désir de maison » des ménages. Le débat concerne également l’habitat individuel dense qui ne fait pas l’unanimité et qui est souvent assimilé au logement social. Or, de nombreuses réalisations récentes démontrent que ces critiques ne sont pas justifiées à l’instar des opérations présentées lors du dernier atelier national du PUCA consacré aux nouvelles formes d’habitat. L’habitat collectif n’est pas oublié pour autant. Il est même au cœur des débats organisés récemment par le PUCA sur la densification des périphéries urbaines, les quartiers durables et le renouvellement urbain.
Des « éco-quartiers » aux « quartiers durables »
La qualité de l’habitat ne dépend pas uniquement de la conception du logement. Outre le prix et la taille du logement, la localisation et l’environnement sont des critères déterminants dans les choix résidentiels des ménages. En réponse aux enjeux environnementaux7 et au rejet de la concentration urbaine, les « éco-quartiers »8 constituent une alternative pour concilier diversité fonctionnelle et résidentielle dans un environnement urbain à « haute valeur environnementale ». Les spécialistes notent toutefois qu’il est nécessaire de dépasser le stade expérimental et la vocation « élitiste » de certains éco-quartiers européens. A l’instar de la qualité environnementale dans la construction, l’enjeu est aujourd’hui de parvenir à généraliser les éco-quartiers en intégrant toutes les dimensions du développement durable et notamment les dimensions économique et sociale (coûts maîtrisés, mixité, qualité d’usage, participation des habitants…) et dont le maître mot serait l’adaptabilité dans le souci d’accompagner l’évolution rapide des modes de vie. Or, 13 ans après la naissance des premiers éco-quartiers européens, la majorité des élus français déclarent mal connaître ou ne pas connaître du tout le concept d’éco-quartier. La création d’au moins un éco-quartier par ville d’ici à 2012 figure parmi les propositions issues du Grenelle Environnement. Pour promouvoir ce type de quartier, le ministère du développement durable vient d’ouvrir un portail.


Une expérience en milieu périurbain et rural

Certains territoires ont lancé des appels à idées pour construire une réponse locale aux aspirations des ménages tout en respectant les identités locales et en intégrant les problématiques environnementales. Ainsi, le CAUE de la Somme a coordonné une consultation dont l’objectif était de faire émerger de propositions innovantes pour de nouvelles formes de logements et de quartiers. Cet appel à idées s’adressait aux architectes, paysagistes et urbanistes qui souhaitent partager leur expérience d’une nouvelle conception de l’architecture du logement et de l’urbanisme, intégrant les exigences du développement durable. L’appel à idées a rencontré un réel succès auprès des professionnels. Au total, plus d’une trentaine d’équipes, regroupant quelques 90 architectes, urbanistes et paysagistes ont en effet décidé de participer au challenge et de soumettre à un jury de professionnels et d’élus leur vision de l’habitat durable pour la Somme. Pour plus de détail, le cahier des charges de l’appel à idées.
1 – Le Monde, La « maison à 100 000 euros » promue par Jean-Louis Borloo n’a pas vu le jour, 16/11/2007. 2 – D’ici 2030, en France, le nombre de ménages devrait croître deux à trois fois plus vite que le nombre
d’habitants. 3 – L’étalement urbain intervient dans une zone donnée lorsque le taux d’occupation des terres et la
consommation de celle-ci à des fins d’urbanisation sont plus rapides que la croissance de la population sur une période donnée. Source : Agence Européenne pour l’Environnement, 2006.
4 – Ceci s’explique par le fait que l’augmentation de la superficie des logements et la diminution de la taille des ménages en moyenne cachent de fortes disparités d’une catégorie de ménage à l’autre. Ainsi, si une partie importante des logements occupés par des ménages âgés sont sous-occupés, à l’inverse nombre de ménages avec enfants ne disposent pas d’assez de places dans leur logement. Le besoin d’espace s’explique aussi par l’accroissement du nombre et du volume des objets domestiques. Les entreprises de déménagement ont observé que le volume du contenu d’un déménagement a augmenté de 25% en 20 ans. Source : Conseil Economique et Social, Le logement demain, 2002.
5 – 86% des habitants des villes centre des agglomérations de plus de 100.000 habitants trouvent leur quartier agréable à vivre. Ils sont 95% dans le périurbain et 94% dans les pôles ruraux ou le rural isolé. Le taux n’est que de 67% dans les quartiers en ZUS.
6 – L’habitat intermédiaire est composé d’habitations ne dépassant pas R+3, disposant d’un espace privé extérieur de la taille d’une pièce confortable et de parties communes réduites permettant une gestion peu coûteuse. L’habitat intermédiaire se caractérise aussi par des accès au logement souvent individualisés, et par un contrôle des vis-à-vis.
7 – Un quart des émissions de CO2 provient des activités du bâtiment et des infrastructures. La moitié des émissions de gaz à effet de serre en France est issue de l’habitat et des transports.
8 – Les éco-quartiers ont en commun : un habitat dense peu consommateur en espace et en réseaux, des bâtiments compacts, économes en énergie grâce à leur orientation, leur isolation, aux capteurs solaires, à la géothermie, à la ventilation ; une gestion draconienne des déchets et la récupération des eaux de pluie pour les espaces verts, nombreux et soignés ; la priorité donnée aux piétons, aux vélos, aux transports en commun, et une moindre place accordée à l’automobile.

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